Hoshang Noor Ali, l’international
Par Martin DesGroseilliers
Vingt-huit septembre 1998. La famille Noor Ali, d’origine afghane mais habitant depuis quelques années au Tadjikistan, débarque au Canada afin de fuir la guerre qui fait rage dans la région. Hoshang, le cadet de six enfants, n’a que quatre ans. Vingt-et-un ans plus tard, il y retournera pour la toute première fois, puisque le sélectionneur national de l’Afghanistan l’a convoqué pour les matchs de qualification de l’AFC pour la Coupe du monde 2022 et la Coupe d’Asie 2023 contre le Qatar le 5 septembre et le Bangladesh le 10 septembre.
« Je l’ai appris en me réveillant le 19 août, j’avais une notification de l’entraîneur sur mon téléphone », raconte avec excitation le milieu de l’AS Blainville aujourd’hui âgé de 25 ans.
Après Gabard Fénelon (Haïti), Kevin Dean Chan-Yu-Tin (Maurice) et Alexandre Basiala (Haïti), Hoshang Noor Ali est donc le quatrième joueur de la PLSQ à être appelé en équipe nationale.
« La ligue n’a même pas dix ans, et quand on dresse le bilan, c’est quand même assez exceptionnel : les jeunes joueurs du CS Longueuil qui se mesurent valeureusement à l’équipe réserve du Toronto FC en Coupe D3 (2014), le CS Mont-Royal Outremont qui la remporte lors de la dernière édition (2016), les aventures de l’AS Blainville dans le Championnat canadien (2018 et 2019), les sélections de Fénelon (2013), Chan-Yu-Tin (2016), Basiala (Haïti) et maintenant celle de Noor Ali, se réjouit le commissaire Kambiz Ebadi. S’il n’y avait pas la PLSQ, rien de tout cela ne se serait produit. Que nous réserve l’avenir? »
Étant né au Tadjikistan, Noor Ali était également éligible à jouer pour ce pays. Des contacts préliminaires ont en effet eu lieu à cet égard, mais son cœur était ailleurs, juste à côté. « Tous les membres de ma famille sont nés en Afghanistan, mes origines sont afghanes et je suis impliqué dans la communauté afghane depuis que je suis tout jeune, alors je me sens davantage Afghan que Tadjik », explique-t-il.
C’est d’ailleurs cet engagement qui lui a permis de se faire connaître. Les communautés afghanes du monde entier organisent des tournois internationaux auxquels participent de nombreux joueurs de l’équipe nationale. Lors de l’un de ces tournois, il y a trois ans à Dubaï, il fait partie de la sélection venant du Canada. Le numéro 10 de l’ASB brille et attire dès lors l’attention de plusieurs joueurs de l’équipe nationale qui avisent ensuite Anoush Dastgir, le sélectionneur national. Il est aussi recruté pour jouer avec une équipe bien meilleure, soit Brishna FC de New York, et fait depuis un ou deux tournois par année avec cette dernière.
Il y a trois ans, donc, Noor Ali a commencé à y croire, à y rêver. Et il y a mis les efforts. « Cette convocation, ce n’est pas du tout un hasard. Ce fut trois années très intenses durant lesquelles j’ai travaillé vraiment très dur. Pendant que mes amis sortaient et s’amusaient, je bossais. Je m’entraînais, je faisais de l’analyse vidéo, je sortais dehors le matin faire mon jogging. Ça m’a motivé que plusieurs joueurs de l’équipe nationale pensent que je sois de niveau pour jouer avec eux. »
« Les matchs contre le Fury d’Ottawa [en Championnat canadien en 2018] m’ont ouvert les yeux. Ce sont des pros qui ont nettement plus de moyens que nous, mais par moments, je jouais aussi bien qu’eux, sinon mieux. » Il faut dire que la performance de Noor Ali lors du match aller a été tout simplement séduisante, à un point tel qu’il en donnait le tournis à l’entraîneur adverse. « Je devais absolument bien performer, car les matchs étaient webdiffusés et Dastgir [l’entraîneur de l’équipe nationale] pouvait donc me voir jouer contre des pros. »
Dans les dernières semaines, le plus heureux des Afghans vivant au Québec recevait régulièrement des messages de Dastgir, qui prenait de ses nouvelles concernant son état de santé, son temps de jeu, etc. « Il me contactait à chaque semaine, il voulait des vidéos, alors je me demandais s’il songeait à me convoquer… »
L’ancien membre de Chomedey, Monteuil, Repentigny, Boisbriand, des équipes du Québec, du CNHP et de l’Académie de l’Impact de Montréal se rendra d’abord au Qatar, l’adversaire du 5 septembre. Pour des raisons de sécurité, l’Afghanistan joue ses matchs locaux dans un autre pays, et le match du 10 septembre contre le Bangladesh se déroulera au… Tadjikistan!
Sans décortiquer le processus en long et en large, disons simplement que l’Afghanistan fait partie du groupe E avec le Bangladesh, Oman, l’Inde et le Qatar et que le premier rang lui assurerait à la fois une participation à la Coupe d’Asie 2023 et l’accès au troisième tour de qualification de l’AFC pour la Coupe du monde 2022.
Si cette première expérience est concluante, Noor Ali pourrait de nouveau recevoir une autre notification sur son téléphone, l’invitant cette fois au camp prévu au début octobre en vue du troisième match le 10 octobre à Oman.
Et qu’est-ce que ça représente pour lui ce premier appel? « Je pense d’abord et avant tout à ma famille. Tout ça est uniquement possible en raison du soutien indéfectible de ma famille et des énormes sacrifices qu’ils ont faits pour moi. Ce sera ma manière à moi de les remercier. »
Nul doute que de voir leur fils et leur frère porter le maillot de l’équipe nationale d’un pays qu’il n’a en définitive jamais connu, mais qui est profondément ancré dans son cœur et dans son esprit, sera empreint de grandes émotions.
« Quand j’ai été libéré de l’Académie de l’Impact à 18 ans, j’étais vraiment déçu et je n’avais aucune raison de continuer à jouer [son rêve de devenir pro venait de s’éteindre], mais j’ai cet amour pour le sport, pour le foot, et je me suis toujours dit qu’il vaut mieux être prêt et ne pas avoir d’opportunité que d’en avoir une et de ne pas être prêt. Il y avait aussi une petite voix dans ma tête qui me disait de ne pas lâcher, qu’il va y avoir quelque chose… »
Ce quelque chose est finalement arrivé. Et tout ce que l’on peut espérer maintenant, c’est que cette petite voix lui répète encore la même chose. Car la visibilité de jouer en équipe nationale sera bien plus importante et pourrait ainsi lui ouvrir d’autres portes…
Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la PLSQ et de la FSQ.