Le CSMRO féminin, des vice-championnes nationales qu’on n’attendait pas

Une chronique par Marc Tougas

 

Oui, c’est vrai, il y a bien des matchs de 0-0 qu’on a tôt fait d’oublier. Mais il y en a aussi, parfois, qui restent longtemps dans les mémoires. Et qui servent même de tremplin vers de grandes choses.

 

Ç’a été le cas du CS Mont-Royal Outremont cette saison en Ligue1 Québec féminine.

 

Au bout du compte, un 0-0 récolté contre le CF Montréal au Centre Nutrilait, le 12 juin dernier, aura propulsé l’équipe jusqu’en finale du Championnat interprovincial féminin. Le CSMRO a terminé deuxième à cette compétition, ne s’inclinant qu’aux tirs au but face à l’équipe championne en titre, l’Académie féminine des Whitecaps de Vancouver.

 

 

Ce match nul contre le CFM était significatif parce qu’il est survenu face à une équipe qui avait récolté 24 points au classement sur une possibilité de 24 jusque-là, ayant dominé ses adversaires 30 buts contre trois au cours d’une séquence de huit victoires pour amorcer la saison.

 

Cette performance sans faille a du même coup effacé les doutes des joueuses du CSMRO qui étaient apparus au cours d’une série de trois défaites, puis s’étaient amenuisés quelque peu lors d’une importante victoire de 2-1 contre Beauport, le 8 juin.

 

« Ce match contre le CF Montréal a été un tournant pour nous, on a alors été la première équipe à leur faire perdre des points et ç’a convaincu les filles », a indiqué l’entraîneur-chef du CSMRO Sidi Mohamed Farah.

 

« Ce match a été la preuve pour nous qu’il n’y avait pas d’équipe imbattable dans la ligue, que tout le monde pouvait gagner et aller loin, a déclaré Léa Palacio-Tellier, gardienne de but et capitaine du CSMRO. Ç’a été le déclic qui a fait qu’on s’est dit, pourquoi ce ne serait pas nous qui se rendrait jusqu’au niveau national ? C’est avec cette idée en tête (qu’on a continué la saison) et c’est effectivement là qu’on s’est rendues, alors je suis fière de mon équipe. »

 

Affamées au Final Four

Il y a de quoi être fier, effectivement, puisque le CSMRO n’a plus subi de défaite en championnat par la suite, affichant un dossier de 4-0-3 à ses sept dernières sorties du calendrier régulier. Un autre résultat positif contre le CFM, une victoire de 2-1 décrochée le 13 juillet, soit lors de l’avant-dernière journée du championnat, a valu aux joueuses de Farah de décrocher officiellement leur place dans la phase éliminatoire, celle du Final Four. Elles allaient y prendre part à titre de quatrième tête de série, mais reste qu’elles ont quand même terminé deuxièmes au classement du groupe A, à seulement deux points du CFM.

 

Le CSMRO aura par ailleurs terminé la saison régulière avec seulement trois défaites au compteur (8-3-5), seul l’AS Blainville ayant fait mieux à ce chapitre dans la ligue avec deux revers (10-2-4).

 

 

Et parlant du loup, les joueuses du CSMRO ont défait l’ASB 5-2 en demi-finale du Final Four pour décrocher leur place en finale, où elles ont à nouveau eu le dessus sur le CFM, au compte de 2-1, pour mériter leur place au Championnat interprovincial féminin pour la première fois dans l’histoire du club.

 

« Les joueuses étaient vraiment affamées pour le Final Four. Elles étaient toutes mobilisées, elles étaient unies et c’était beau à voir », a souligné Farah.

 

C’est à ce moment que la profondeur au sein de l’équipe, que Farah et tout le personnel technique s’était assuré d’obtenir en recrutant activement pendant la saison morte, a payé. Le fait d’avoir perdu en cours de saison les services de plusieurs joueuses parties disputer leurs campagnes universitaires aux États-Unis – comme c’est le cas pour pas mal tous les clubs, d’ailleurs – n’a pas ralenti l’équipe.

 

« Il y avait déjà une bonne énergie dans le groupe et les joueuses qui avaient moins joué jusque-là savaient que c’était leur chance de briller, a fait remarquer Farah. Elles voulaient vraiment se prouver. »

 

Une mentalité de type « rien à perdre, tout à gagner » s’était alors installée.

 

« Personne ne nous attendait et cette mentalité, on l’a gardée jusqu’à Hamilton », a indiqué Farah.

 

À Hamilton avec le sourire

Le séjour à Hamilton, lieu du Championnat interprovincial féminin, a permis aux joueuses de vivre tout ce que la vie sur la route a de mieux à offrir, comme l’esprit de groupe par exemple.

 

« Il y avait beaucoup de sourires et de plaisir quand on se voyait à l’hôtel, pendant les repas. On a su surfer sur la vague qui s’était créée dans le Final Four », a déclaré Farah.

 

Au point que le CSMRO a réussi à forcer les championnes de la League1 Ontario et de la League1 BC à se rendre aux tirs au but, autant en demi-finale qu’en finale. Les nouvelles championnes du Québec ont d’abord vaincu le NDC Ontario (équipe du centre national de développement ontarien) 5-4 aux penalties à la suite d’une nulle de 1-1, pour ensuite tenir le Whitecaps FC Girls Elite, une équipe qui survole le championnat britanno-colombien depuis deux ans et s’est d’ailleurs retrouvée en Coupe des Championnes de la Concacaf cette année, à un score de 2-2 pour ensuite s’incliner 3-2 aux tirs au but.

 

Finir deuxième au pays a eu des allures de victoire pour le CSMRO puisque, selon Farah, la finale contre Vancouver en était une que ses joueuses auraient mérité de gagner, et que celles-ci ont su s’en tirer avec la victoire contre une équipe ontarienne qui, d’après l’entraîneur, était supérieure aux Whitecaps.

 

Crédit photo : Cloud North Visuals

 

Fier du niveau au Québec

Farah a d’ailleurs tenu à dire que le titre de vice-champion qui est revenu au CSMRO rejaillit positivement sur la L1Qc féminine dans son ensemble. Parce que si une équipe comme le CSMRO, qui a décroché la place de quatrième tête de série du Final Four, quelques points seulement devant le FC Laval, Ottawa et Pierrefonds, peut faire si bien au niveau national, ça veut dire que plusieurs autres équipes du circuit québécois auraient pu faire la même chose.

 

« On n’a pas été surpris par le niveau (du Championnat interprovincial féminin) parce qu’on avait une référence et c’était celle du CF Montréal, a affirmé Farah. Je trouve que l’équipe de Montréal est aussi bonne que celle des autres centre nationaux de développement qu’on a rencontrés (NDC Ontario et Whitecaps) et, avec des équipes comme Blainville et aussi celles du Celtix du Haut-Richelieu et de Longueuil, même si elles ne se sont pas qualifiées pour le Final Four, il y a de la qualité en Ligue1. En fait, les huit ou neuf premières équipes au classement se valent toutes, et tout revient à une question de blessures, d’empêchements… Au final, on peut être fiers du niveau qu’on a au Québec. »

 

 

Un déclic pour le volet féminin du club ?

Le parcours du CSMRO en 2024, dont les succès sont en partie attribuables à l’arrivée au niveau semi-pro d’un fort contingent de joueuses qui ont fini deuxièmes au niveau national en 2023 en senior féminin AAA, représente aussi une fierté pour ses membres parce que cela pourrait engendrer des retombées bénéfiques à long terme pour l’ensemble du programme féminin au club.

 

« On espère construire sur ça pour arriver à ce qu’il y ait une bonne continuité entre tous les groupes d’âge féminins au sein du club, notamment en inspirant les plus jeunes, a affirmé Farah. Il y a vraiment de belles générations présentement dans les CDC du club, donc les 12 ans et moins, et il faut travailler fort pour assurer cette continuité. »

 

Selon Palacio-Tellier, qui a commencé à jouer au CSMRO chez les U14, la saison 2024 risque de mettre le CSMRO « sur la carte ». Et ce, autant aux yeux des joueuses de la région montréalaise dans l’ensemble, qui pourraient être plus que jamais intéressées à rejoindre les rangs du club, que des joueuses qui font déjà partie du CSMRO, en les motivant à continuer de cheminer au sein du club.

 

« En voyant que le côté féminin peut réussir aussi bien que le côté masculin, peut-être que les plus jeunes joueuses vont se dire, « hé, ça pourrait être nous dans quelques années » et que ça va les inciter à continuer à jouer, a souligné Palacio-Tellier. Malheureusement, il y a beaucoup de filles qui arrêtent de jouer au soccer à un très jeune âge au Québec à cause d’un manque d’options pour aller plus loin, et (cette saison réussie en 2024 pourrait) leur faire voir qu’il est possible de continuer à progresser. »

 

Bref, autant cette nulle de 0-0 contre le CFM aura été le déclencheur d’une superbe saison pour le CSMRO, autant cette superbe saison pourrait s’avérer le déclencheur d’un brillant avenir pour l’ensemble du volet féminin au club.

 

-30-

 

Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la Ligue1 Québec et de Soccer Québec.