Retour sur l’épopée du CS Saint-Laurent en Championnat canadien

Une chronique de Marc Tougas

 

Le CS Saint-Laurent a beau avoir encaissé huit buts à Toronto, mardi soir, le club champion en titre de la Ligue1 Québec a quand même trouvé le moyen d’y aller d’un autre exploit inédit, venant ainsi déposer une cerise sur le gâteau d’une fabuleuse épopée où il a écrit plusieurs nouvelles pages d’histoire.

 

Cet exploit, c’est évidemment le but que Rickson Aristilde a marqué à la 89e minute de jeu du match retour des quarts de finale du Championnat canadien TELUS contre le Toronto FC, qu’il a inscrit d’un tir à ras de sol sous le gardien Luka Gavran à la suite d’une passe en profondeur bien dosée de Yann Toualy.

 

Le score final du match indique que le TFC l’a emporté 8-1 pour se qualifier pour les demi-finales du Championnat canadien en vertu d’un avantage de 11-1 au total des buts, mais l’histoire retiendra surtout – du point de vue du soccer québécois du moins – que c’est le CS Saint-Laurent qui aura été la toute première équipe semi-professionnelle de division 3 au Canada à marquer un but contre une équipe de la MLS dans le cadre du Championnat canadien.

 

Des buts contre le TFC, le CF Montréal ou les Whitecaps de Vancouver, il y en aura d’autres à l’avenir, mais le CS Saint-Laurent pourra toujours se targuer d’avoir été le premier à le faire. Et, aussi, d’avoir été le premier club de ce niveau à avoir mérité le droit d’affronter un club de la MLS en Championnat canadien en devenant le premier à éliminer une équipe de la Première ligue canadienne dans la ronde précédente (les Wanderers de Halifax en l’occurrence).

 

« Je pense que c’était mérité », a déclaré l’entraîneur du CS Saint-Laurent Nick Razzaghi en parlant de ce but, s’en disant fier à cause de son caractère historique mais aussi en raison de ce qu’il révélait sur l’attitude affichée par ses joueurs et ce, au moment où l’issue de la série ne faisait pourtant plus de doute.

 

« Les gars ont essayé de jouer au foot tout le match, ils ne se sont jamais arrêtés et je pense que c’est ça qui parle le plus. C’est le résultat du courage qu’on a affiché, de la qualité de jeu qu’on a montrée », a souligné l’entraîneur, dont l’équipe a aussi été la première dans l’histoire de la L1QC à marquer plus d’un but contre une équipe de la PLC en Championnat canadien, quand elle l’a emporté 5-3 aux tirs au but contre Halifax à la suite d’un nul de 2-2.

 

« On préférait perdre 8-1 contre Toronto et marquer ce but-là, que de perdre 4-0 et ne rien faire du tout (offensivement) » a par ailleurs dit Razzaghi.

 

La fierté d’être resté fidèle à soi-même

C’est d’ailleurs l’apprentissage que Razzaghi et ses joueurs retiendront de ce parcours inédit en Championnat canadien : qu’un club champion de la Ligue1 Québec peut garder sa personnalité et faire davantage que bien paraître, même au moment d’affronter des clubs des niveaux supérieurs.

 

« On a constaté que notre façon de jouer, ça peut marcher partout, a-t-il dit. Et le message à tout le monde (dans la L1QC), c’est qu’il faut rester fidèle à qui tu es, tout en devant être capable de s’adapter aux exigences (d’un niveau de jeu supérieur). Dès le départ, notre attitude, ce n’était pas de se contenter de contre-attaquer, c’était de jouer notre jeu, de porter le jeu vers eux le plus possible. Tout en sachant qu’il faudrait s’adapter, et devoir défendre plus que d’habitude. »

 

La recette a de tout évidence fonctionné contre Halifax, mais elle a aussi eu un certain succès face à la formation torontoise car, comme le relève Razzaghi, le CS Saint-Laurent a eu le dessus sur le TFC au chapitre des tirs au but : 38 contre 33 pour la formation torontoise sur l’ensemble des deux matchs, dont 22 contre 13 lors du match retour, malgré le fait que l’équipe québécoise ait disputé la moitié de la rencontre à 10.

 

« On a montré qu’on est capable, mais pas encore prêt à les battre. Mais un jour ça va être le cas, a lancé l’entraîneur. C’est à nous d’évoluer vers les standards qui vont nous permettre de jouer ce genre de match-là. »

 

Selon Razzaghi, c’est aussi la longue préparation de son équipe, amorcée quelques jours à peine après la fin de la saison 2023 de la L1QC, qui a joué un rôle déterminant dans la performance étincelante des siens.

 

« On a complètement changé notre programme d’hiver pour être physiquement et mentalement prêts. Je pense que c’était vraiment important de commencer à penser (au Championnat canadien) tout de suite, tu ne peux pas juste arriver en janvier et recommencer à zéro, sinon ça ne peut pas marcher. Il faut vraiment être très bien préparé. »

 

L’analyse en profondeur des adversaires et la tenue de matchs pré-saison contre trois clubs de la PLC et une équipe réserve de la MLS – le TFC II – ont également pesé dans la balance.

 

« Cette préparation nous a permis de voir à quoi il fallait s’attendre, a souligné Razzaghi. Et le fait de battre le Forge FC, la meilleure équipe de l’histoire de la PLC, en match pré-saison nous a aussi donné une bonne dose de confiance. Ça nous montrait qu’on était capable. »

 

Un stade qui revit 

Le CS Saint-Laurent a montré qu’il était capable de choses exceptionnelles sur le terrain, mais il l’a aussi montré en dehors du terrain, avec ce match aller contre le TFC qui a attiré 6482 personnes au Complexe sportif Claude-Robillard. Un match qui s’est avéré un véritable happening, attirant bon nombre de ceux et celles qui avaient apprécié l’époque où l’Impact/CF Montréal y avait fait ses débuts, mais qui a aussi montré qu’il y a de l’intérêt pour le soccer de haut niveau en dehors du cadre du CFM.

 

La solide performance du CS Saint-Laurent aidant, alors que le club de la L1QC a forcé le TFC à attendre en deuxième mi-temps avant de marquer ses trois buts du match aller, l’affrontement a donné lieu à une ambiance du tonnerre, qui a fait dire à l’entraîneur du club torontois John Herdman qu’il avait l’impression de disputer un match de coupe quelque part au coeur de l’Europe.

 

Les membres de l’organisation du CS Saint-Laurent ont tout mis en œuvre pour mobiliser tout le monde au sein de leurs réseaux – alors que le directeur sportif du club Rocco Placentino, un ancien joueur de l’Impact, a notamment fait appel à ses anciens coéquipiers et contacts, pendant que les joueurs sollicitaient l’appui de leurs proches et que les dirigeants relançaient les journalistes et influenceurs affectés au soccer. Pendant ce temps, la L1QC a aussi donné un bon coup de pouce, tandis que des membres et partisans des autres clubs du circuit ont aussi participé à la fête.

 

Résultat : on attendait une foule de 5000 personnes, il y en a eu 1500 de plus.

 

« Le fait de passer le premier tour puis d’affronter le TFC, de mettre nos joueurs face à des joueurs professionnels, ç’a renforcé les liens au sein de la communauté du soccer », estime Mateo Cabanettes, directeur sportif de l’équipe première du CS Saint-Laurent.

 

« Ç’a mis beaucoup de lumière sur le soccer québécois et c’est devenu un événement qui a rassemblé beaucoup de monde. On a tracé le sentier un peu plus loin et maintenant, le sentier va peut-être s’élargir avec d’autres équipes qui vont suivre. »

 

Rester affamé 

Le CS Saint-Laurent aimerait évidemment être cette équipe qui va élargir le sentier en 2025. Pour ce faire, le club devra maintenant se tourner résolument vers le championnat 2024 de la L1QC et le répit sera de courte durée puisque les hommes de Razzaghi devront affronter le Royal Sélect Beauport dès dimanche. L’affrontement à domicile, qui aura lieu au cégep Vanier et se mettra en branle à 16h30, sera crucial pour la suite des choses puisque le CS Saint-Laurent occupe présentement la deuxième place du classement en vertu d’une fiche de deux victoires et deux nuls en cinq rencontres, ce qui lui donne une avance de deux points seulement sur trois formations, dont Beauport.

 

« Il s’agit de garder cette mentalité d’être affamé, a noté Razzaghi. On a vécu une très belle expérience, c’est sûr qu’on a réalisé des choses qui n’ont jamais été faites avant. Mais après, si on retourne (dans le championnat) et qu’on finit deuxième, ça aura servi à quoi ? Il faut avoir cette mentalité de vouloir valider le travail qu’on a fait (depuis six mois) en retournant au Championnat canadien l’année prochaine dans le but d’en montrer encore plus. »

 

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Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la Ligue1 Québec et de Soccer Québec.