TÊTE À TÊTE… AVEC HORACE PATIENT SOBZE ZEMO, L’HOMME-ARAIGNÉE DU FC GATINEAU
Par Marc Tougas | @TougasMarc
À ses débuts dans le soccer organisé à l’âge de 16 ans, Horace Patient Sobze Zemo n’avait aucune idée comment il fallait faire pour dégager le ballon. Il est pourtant devenu un des meilleurs gardiens de la Première ligue de soccer du Québec (PLSQ), comme en fait foi sa présence au match des étoiles contre les vedettes de la League 1 de l’Ontario, plus tôt cette année… et le fait qu’on lui ait donné le surnom de ‘Spiderman’.
Voilà que le 28 octobre prochain au Centre multi-sports de Terrebonne (18h30), le Camerounais d’origine en sera à sa troisième présence en finale de la Coupe PLSQ avec le FC Gatineau. En 2014, il avait permis aux siens de s’imposer 1-0 contre le CS Longueuil, le champion de saison, en finale de Coupe. Il avait été nommé Ballon d’or dans la ligue cette année-là, alors que son équipe avait conservé une fiche de huit victoires, neuf nuls et trois défaites et terminé au deuxième rang du classement.
Celui qui a eu l’occasion de s’entraîner avec un club de quatrième division en Suisse, il y a deux ans, est un des rares vétérans du FC Gatineau cette année, alors qu’il s’agissait d’un nouveau départ pour l’organisation, devenue un club dans le sens traditionnel du terme après avoir été gérée par l’Association régionale de l’Outaouais ces dernières années.
Comme en 2014 ?
Q : Parle-nous de la saison 2014 du FC Gatineau ?
HSZ : Le fait d’avoir gagné le Ballon d’or, c’était bien, mais au départ, je n’y croyais pas. C’est vrai que l’équipe avait connu une bonne année… Même si on nous appelait ‘l’équipe des nuls’. Parce qu’on ne gagnait pas, on ne perdait pas, on ne faisait que des matchs nuls. Ce qui a fait notre force cette année-là, c’est qu’on avait des joueurs de la région qui avaient complété leurs études universitaires et qui ont donné de la stabilité à l’équipe.
Q : Et en finale de Coupe cette année-là, le CS Longueuil était déçu d’avoir perdu parce qu’il avait largement dominé le match. Quelle avait été l’approche du FC Gatineau à cette occasion ?
HSZ : Pour qu’une équipe de soccer puisse gagner, il faut commencer par défendre. Si tu ne défends pas, tu ne peux pas gagner. Et c’est ce que nous avons fait pendant la finale. On a défendu, on a tenu le coup, il y a eu des joueurs qui se sont sacrifiés et quand on a eu l’occasion d’ouvrir le score, notre joueur devant l’a fait.
Q : On espère réussir la même chose cette année ?
HSZ : Le refaire une deuxième fois, ce serait formidable. Ce serait une bonne revanche après avoir perdu contre Blainville l’an dernier en finale de Coupe. Mais connaissant Blainville, ils vont sûrement être affamés et vouloir réaliser le doublé championnat-coupe.
Débuts à 16 ans
Q : Dans quelles circonstances as-tu fait tes débuts dans le soccer organisé au Québec à l’âge de 16 ans?
HSZ : Je suis arrivé au Canada en provenance du Cameroun en 2008. Là-bas, mon père n’avait pas les moyens pour m’acheter l’équipement nécessaire et m’inscrire dans une équipe. Je jouais comme ça, mais pieds nus, avec des ballons faits de sacs de plastique roulés en boule. C’est à peine si je savais taper dans un ballon. J’avais 14 ans quand je suis arrivé ici. Je me suis mis à jouer à l’école pendant la récréation du midi. Je jouais comme gardien et l’organisateur sportif m’a vu. Il m’a dit, ‘Toi, tu parais pas mal, veux-tu venir jouer pour nous ?’ Je suis allé faire un essai et j’ai commencé à jouer au soccer intérieur pour l’école. Puis, l’été d’après, j’ai commencé à jouer comme gardien au soccer extérieur.
Q : Comment se sont déroulés tes premiers matchs à 11 ?
HSZ : Ouf ! Je m’en rappelle comme si c’était hier. Le premier match, je ne comprenais pas vraiment le jeu, mais j’étais comme ‘OK, ça va’. Puis, le moment est venu où j’ai dû dégager le ballon. Je me suis posé plein de questions. Je le dégage comment ? J’ai dégagé ça de la pointe du pied. Le ballon est monté, puis il est retombé tout de suite. C’est à peine s’il a traversé la surface de réparation !
Au fil des matchs, j’ai essayé de ne pas répéter les mêmes erreurs. Mon premier entraîneur des gardiens, je l’ai eu seulement à 19 ans, quand je me suis retrouvé avec le Dynamo de Hull. J’ai ensuite commencé avec le FC Gatineau (dans la PLSQ) en 2013. Josy René Madelonet (un ancien gardien de but chez les professionnels originaire de la Guadeloupe), le premier entraîneur du club, a été une bonne source de motivation pour moi. Il me disait que j’avais du talent. Une fois, il m’a dit, ‘Je ne vois pas ce que tu fais ici, ta place est en MLS’. Je ne sais pas s’il disait ça simplement dans le but de me motiver, de me donner confiance, mais il avait bien réussi.
Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’avais peu confiance en moi quand je jouais. Et mes déplacements… Je faisais des gros arrêts, des grosses parades, mais que je ne fais plus aujourd’hui. Parce qu’à l’époque, je me plaçais mal. Quand tu es mal placé, tu n’as pas le choix, tu dois faire des grosses parades. Tu dois te surpasser, tu dois travailler plus. Alors qu’aujourd’hui, quand les mêmes trucs arrivent, j’ai juste besoin de bien lire le jeu et de bien anticiper, et puis, avant même que le ballon arrive, je suis déjà à la bonne place.
En Suisse… puis les étoiles
Q : Dans quelles circonstances es-tu allé t’entraîner en Suisse, il y a deux ans, avec le FC La Chaux de Fonds?
HSZ : L’aventure en Suisse, c’était très bien. Ça m’a permis de découvrir autre chose. C’est grâce à un ami du FC Gatineau, Julien Goguel, qui était devenu entraîneur avec le club là-bas. J’ai trouvé ça intimidant mentalement, mais physiquement j’étais prêt, les gars là-bas ont trouvé que je jouais bien. Ça n’a pas fonctionné parce qu’ils n’avaient pas le budget pour payer un joueur étranger, le salaire n’aurait pas été suffisant pour que je m’installe là-bas à mes frais. Mais je suis content d’avoir vécu l’expérience parce que j’ai énormément gagné en confiance. J’ai vu comment le jeu était là-bas, comment la prise de décision était rapide ; les gars, au moment de recevoir le ballon, savaient déjà ce qu’ils allaient faire avec. Je m’étais dit que j’allais y retourner un jour mais pour l’instant, l’occasion ne s’est pas présentée.
Q : Tu es allé au match entre les étoiles de la PLSQ et celles de la League 1 de l’Ontario. Comment as-tu trouvé ça comme expérience ?
HSZ : J’ai subi une blessure à l’adducteur deux semaines avant, mais je suis quand même allé et j’ai disputé une demie, j’ai partagé la tâche avec le grand Gabard Fénelon (gardien du FC Lanaudière qui a joué en sélection nationale haïtienne). Ç’a été une belle expérience d’apprendre à connaître des joueurs des autres équipes de la PLSQ. Parce que moi, quand je joue, sur le terrain, j’oublie qui tu es (si tu joues pour l’adversaire). Mais quand tu joues avec moi, c’est bien ; parce qu’on peut discuter, on peut aller manger ensemble… Ce serait bien que la PLSQ fasse des matchs du genre le plus souvent possible, c’est une belle motivation pour les joueurs.
(Crédit photo : Soccer Outaouais)
Entrevue et propos recueillis par Marc Tougas
Les opinions des chroniqueurs ne reflètent pas nécessairement celles de la PLSQ et de la FSQ